Préface & avant-propos Structure Les 3 modes Nombres Fonctionnement Phonologie Noms propres Grammaire Glyphogenèse Annexes







La Clé
Alec Lloyd Probert
zws-qdx-ee
3ème édition






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Préface

par Thomas Adeux

"Au commencement était le verbe". La Bible nous prévient immédiatement de notre essence. Le verbe, c'est à dire le langage, est consubstantiel à notre identité humaine. Nommer, organiser, hiérarchiser, c'est exprimer notre différence avec la nature. C'est nous arracher de notre milieu pour être autre chose que notre environnement. Exister pour un homme, c'est dire, c'est le dire.

Dans notre monde pressé qui instrumentalise le vocabulaire dans une efficacité parfois pénible et souvent appauvrissant dans notre capacité à exprimer les différentes teintes de nos émotions, Alec Lloyd Probert nous offre un chemin de traverse ; rafraichissant pour les esprits agacés de la mutilation de la complexité omniprésente dans nos sociétés dites de la « connaissance ».

Alec Lloyd Probert part de ce constat : la fadeur générale de notre langage condamne l'être à ne pas tout dire. Les continents de nos existences sont réduits par la faiblesse structurelle de notre architecture collective : le langage.

Nous sommes des héritiers de notre langue avant d’en devenir des légataires ; Alec Lloyd Probert se veut un héritier critique et refuse le legs mécanique. Il voit plus loin, il veut réinventer notre héritage pour créer un autre possible où de nouveau continents apparaissent.

Tel un Magellan découvrant l'océan Pacifique pour la première fois, il se veut un explorateur de notre perception.

Il veut questionner notre identité collective. Vanité ? Utopie ? perte de temps ? Les contempteurs de sa pensée sont les esprits qui ne créent pas. Les chemins héroïques sont plus importants que leurs résultats (parfois féconds, parfois vains). Ils remplissent l'être, ils donnent sens. Ils disent oui à la vie. Ils sont le meilleur de nous-même...

On pourrait voir sa critique comme un esthétisme réactionnaire à la Tocqueville. Le philosophe français partant en Amérique décrit un système démocratique qu'il exècre, mais qu’il considère comme une réalité implacable destinée à s'imposer historiquement comme mode de gouvernance des hommes.

Il se fait l'observateur pointu des faiblesses de la démocratie qui le désespère, prenant conscience de la mort de son univers : l’ancien régime.

Il décrit un monde à l'agonie (le sien (et un autre qui nait : le nôtre)). Une nostalgie romantique transparait dans son livre. Il désespère de la disparition d'un univers qui le constitue et qu'il emporte avec lui.

Comme chez Tocqueville, Alec Lloyd Probert constate la disparition d'un monde.

Mais cet esthétisme réactionnaire est une clé de lecture insuffisante pour comprendre son projet. Mais au fait, quel est son projet ?

Face au recul sémantique de dire les choses, le but est de créer un nouveau langage : le graphieros pour rendre toutes leur richesse à nos émotions.

Il s'agit d'inventer un nouveau réel avec la patience et la persévérance qui manque à ce siècle.

L'éloge de la lenteur n'est pas une nostalgie d'un monde qui disparait devant nous, ou en tout cas pas seulement. C'est surtout une volonté dynamique de tourner le dos au passé pour créer un autre possible.

Alec Lloyd Probert nous offre un autre monde, le sien. Le chemin entrepris de son projet artistique débouche tout naturellement (oserais-je dire) dans la volonté de décrypter la richesse de son œuvre.

En effet la graphie omniprésente dans ses peintures trouve enfin sa pierre de Rosette.

Derrière la critique d'une certaine modernité et la volonté d’inventer une langue qui offre une rupture avec la simplicité ambiante, Alec Lloyd Probert dit autre chose, sans doute un peu contre lui-même.

Il nous dévoile le fil logique de sa démarche artistique.

Artiste autodidacte donc forcément franc-tireur, il est impossible d’imaginer résumer son parcours, mais on peut s’appuyer sur trois moments clés de son cannibalisme créatif pour éclairer sa démarche.

Le point de départ, la jeunesse artistique tournée vers le figuratif avec de nombreux portraits de ses muses et des natures pas tout à fait mortes, la période dite « téléphonique ».

Le basculement dans un univers plus abstrait avec la mise en place d’une graphie qu’on devine être un langage sans pouvoir le déchiffrer.

Et l’époque actuelle, synthèse des deux premières ; l’œuvre figurative n’est que l’addition d’une infinité de points, comme si sa graphie et ses représentations d’individus se fusionnaient dans une démarche supérieure.

La mise en place d’un système idéolinguistique dont ce livre est le sujet, est le cheminement logique de sa démarche artistique.

Dans un langage vif, complexe, Alec Lloyd Probert nous livre les clés de son univers et nous montre les riches potentiels de sa créativité.

En définitive, cet éloge de la lenteur et de la richesse des possibles n'est que le témoignage le plus poignant de la cohérence d’une œuvre.

La construction de cette langue nous invite à découvrir pas à pas la démarche profonde et fragile d'un homme qui tord le réel pour exprimer son être.

Son nouveau langage est à sa peinture ce que le divin est à l'homme, quelque chose d’envoûtant et d'inaccessible.

Les Lilas, septembre 2017





Socrate
Huile sur toile
40x40cm
2018








Avant-propos

de la première édition

«Gagner du temps, faire plus vite et plus rapide encore». C’est par un tel slogan qu’on serait tenté de résumer l’esprit de l’époque, au moment où une fraction de l’humanité est en passe de fusionner avec la machine, et où l’autre se multiplie en agonisant. Pour les heureux du premier monde, l’accélération est vertigineuse et s’éloigne du point de gravité contemplatif que seule autorise la capacité à prendre son temps.

L’accès illimité à des sources d’information en continuel et véloce rafraîchissement impose de marcher au pas, au rythme dicté par leur mise à jour. On ne prendrait pas le risque qu’une analyse fût réfutée par des publications apparues pendant le temps de notre réflexion.

Que font tous ces citoyens, leur smartphone à la main, dès que la cadence de leur journée les contraint à subir une attente, même minimale ? Ils occupent le temps, ou se font occuper, par le parcours au pouce des réseaux sociaux virtuels, ou par des jeux qui tiennent plus d’un travail productif que de l’essence éducative.

La structure de la pensée s’en trouve modifiée, tournée vers plus d’estomac pour accueillir de nouvelles informations en quantité, donc à des capacités digestives proportionnellement augmentées, à l’acquisition d’une autre forme de mémoire, qui serait l’exacte opposée de celle qui a prévalu dans l’humanité pour la plus grande part de son existence, fondée sur la mémoire et l’oralité. Notre pensée se structure dès lors par le visuel et l’oubli, par la rapidité et la religion de l’optimum.

La pensée et le langage se modifient simultanément. L’espace disponible pour qu’une expression soit lue est court. L’écriture se fait à l’instinct. A l’émotif. Au j’aime j’aime pas. Le langage doit être optimal, ses phrases courtes, nominales, construites pour susciter une adhésion immédiate, traduite par un mouvement de pouce sur l’écran. Dans un tel contexte, le vocabulaire et la richesse potentielle de son détail ; la syntaxe et ce qu’elle peut apporter à l’équilibriste du discours ; l’étymologie et le lien tortueux qu’elle offre de parcourir comme un chemin forestier pour débusquer l’origine souvent simple et étonnante de nos idées agglutinées et complexes ; tout cela se trouve condensé, parfois jusqu’au point de l’émoticône.

La variation dans la profondeur possible de la pensée s’en trouve considérablement réduite. Ajoutez à cela des cultures où se couper la parole est une pratique courante, et vous obtenez une pensée et un langage qui passent avec la seconde écoulée, en rasant les choses sans jamais en atteindre le bulbe.

Cet ouvrage présente les clés pour décrypter la langue construite qu’est le graphieros, maçonnée à rebours de cet esprit de l’époque, en ce qu’elle offre à son locuteur une expression rallongée, lente, analytique et patiente. C’est une langue qui prend son temps, car elle entretient avec l’étymologie un lien transparent, ses mots sont leurs définitions, elle est en cela plus développée, plus développante.

A l’origine construite spécifiquement pour un usage artistique, dont quelques exemples sont reproduits dans ces pages, le graphieros s’est peu à peu libéré du cadre des tableaux. Il se pense, se parle, se décline, et se partage, au point que sa structure inspire d’autres idéolinguistes dans leurs travaux. Construire une langue à partir de rien consiste à contempler le langage dans son anatomie, à en explorer les racines, en déduire des graines, tout en laissant la place à ses dérivations nécessaires dans des frontières ouvertes, car comme l’écrivit Wittgenstein : « Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde ».

Boulogne-Billancourt, août 2017







Avant-propos

de la deuxième édition

L’expression de « langue construite » qui désigne les tentatives des idéolinguistes de fonder des langues nouvelles par le simple fait de leur travail et de leur temps m’apparaît trop imprécise, à l’heure où j’écris ces lignes, deux ans exactement après avoir posé les premiers jalons du graphieros. Je lui substituerais celle de « langue en construction », qui illustre le mouvement permanent de destrucréation à l’œuvre dans ce type d’entreprise. Ces idéolangues ont pour la plupart aucun ou trop peu de locuteurs pour se figer dans un édifice sans mouvance, et même les plus populaires sont sujettes à des « réformes », qui sont le produit des réflexions des locuteurs, idéolinguistes eux-mêmes, qui livrent des pierres bien taillées à l’intelligence d’un édifice plus collectif. Je souhaite ici remercier les membres du forum idéolinguiste francophone de «L’Atelier», compagnons précis par leurs questions, suggestions, conseils, renvois, par leur intelligence et leurs connaissances.

Les fondations du graphieros sont suffisamment solides pour me permettre de dire que cette deuxième édition cisaille des finitions qui manquaient dans la première, notamment dans le lexique qui figure dans les pages finales de l’ouvrage, où j’ai ajouté les origines phonologiques des glyphes (quand ils en ont), et des indications généalogiques. Depuis la première édition, la plasticité de l’idéographie du graphieros lui a permis de trouver d’autres structures dans lesquelles exprimer des proverbes, des aphorismes et de la poésie. Il convenait donc de compléter l’ouvrage avec des explications sur ces structures nouvelles.

La grammaire du graphieros, telle qu’exposée dans la première édition, est proche de celle du français. Il me fallait pour la rendre plus indépendante et plus naturelle, la confronter à l’expérience concrète d’une écriture directe. En effet, au moment de la première édition, je rédigeais tous mes textes en graphieros en les traduisant du français, avec une incidence totalitaire sur la structure grammaticale du graphieros. J’ai entrepris depuis de commencer la rédaction d’un carnet avec la double contrainte d’écrire directement en graphieros, et de ne pas me référer au dictionnaire que j’avais élaboré, qui listait quelques 5 600 mots, dont beaucoup me paraissaient trop peu naturels dans l’assemblage des glyphes génétiques, et difficiles à décrypter par la suite. Chaque mot est donc recréé intuitivement, en recherchant une combinaison de glyphes de base qui soit la plus naturelle possible, pour qu’elle soit re-lisible facilement. Dans ce cadre, des modifications grammaticales et syntaxiques se sont formées, et cette deuxième édition est aussi l’occasion de les ajouter, comme autant de suggestions.

Pour conserver une lisibilité historique de l’ouvrage, et d’autoriser un décryptage des textes à chaque moment de l’évolution du graphieros, je n’ai rien effacé d’important de la première édition.

Enfin, comme l’objet du graphieros est de peindre/écrire des tableaux/textes, on trouvera aussi dans ces pages les tableaux que j’ai peints pendant l’année qui relia ces deux éditions.

Boulogne-Billancourt, août 2018







1

Structure

Sur une table ; un verre, un soliflore, deux bougies, un livre et une bouteille. Nous considérons au quotidien chacun de ces objets comme des entités distinctes, délimitées, et pas comme l’amas de particules interagissantes qu’ils sont en réalité.

L’intuition géniale de Démocrite et sa confirmation quelques millénaires plus tard, nous racontent la matière comme un tissu à la fois fragmenté et continu, où l’agencement des éléments dans le vide donne lieu, par le jeu des interactions entre leurs particules, aux phénomènes que nous percevons. Toute chose serait ainsi constitutive d’une grille, dont les dimensions minimales seraient définies par les unités de Planck. Peut-être trouverons-nous un jour quelque autre clé nous permettant d’entrer plus profond encore dans la petitesse de la structure de la matière. L’état des hypothèses en ce début de XXIème siècle témoigne encore de ces unités comme de dimensions où s’arrête la possibilité mathématique d’un en-deçà.

La matière occuperait cette grille, comme des billes sur un plateau de solitaire. Cela reviendrait à dire que la structure sur laquelle se dépose ou s’exprime la matière est façonnée par des points. Il s’agit d’une définition métaphorique, permettant l’abstraction de ces idées scientifiques vulgarisées dans le domaine de l’art et du langage en particulier. Un point, pour les composants vibratoires d’une particule, comme un trou pour une bille.

Or, si tout part du point puisque rien ne lui peut être plus petit, les points doivent s’arranger entre eux pour constituer la maille du monde. L’observation de la nature nous apprend souvent que celleci tend à exprimer un optimum dans l’agencement des matières, ou dans la consommation d’énergie. Les structures produites par cette économie tiennent de la presque parfaite géométrie, que ce soit au niveau atomique pour le diamant, ou animal pour les abeilles et leur génie ingénirique ancestral. Tout porte à imaginer que l’expression de cette économie au niveau des dimensions de Planck ne soit pas géométriquement différente de ce que nos yeux nous offrent de contempler des structures naturelles. Ainsi, pour qu’il y ait matière, il faut qu’un deuxième et un troisième point viennent s’agencer autour du premier, sans jamais le chevaucher, et de la façon la plus économiquement nécessaire. Au fin-fond du plus petit de la matière, retrouvons-nous les idées de Pythagore ? Peut-être n’est-ce que nous-mêmes que nous rencontrons sans cesse, peut-être n’est ce que l’architecture de nos capacités d’êtres humains à percevoir l’origine des choses, notre filtre perceptif limité. Toujours est-il que l’artiste peut trouver dans cette architecture de quoi manipuler sa matière dans un cadre fini. Le peintre partira toujours d’un point, ne seraitce qu’en posant la pointe pour la première fois pour tracer une ligne, qui n’est autre qu’un point figuré dans son mouvement.

Dès lors, comment s’agencerait une structure de points qui voudrait représenter l’économie énergétique d’un univers ? Nous pensons qu’elle suivrait le chemin tracé par les abeilles dans leur consommation mesurée de gelée royale, où la structure hexagonale s’impose nécessairement et naturellement.

Fig.0

Fig.0 : les dimensions de Planck, figurées par l’agencement de points équidistants, générant une grille fractale. Les formes fondamentales qui en découlent sont le triangle rectangle, et l’hexagone régulier.

Les particules sont les objets fondamentaux à partir desquels peuvent s’articuler des langages de la matière, avec leur vocabulaire, syntaxe et grammaire. Ces particules prennent place sur la grille, en respectant son économie structurelle. De la même façon que le caractère d’une particule serait déterminé par les spécificités et les types de vibration de la corde qui la constituerait, nous pourrions imaginer que les connexions entre les points de la grille pussent déterminer des mots. Cette transposition simplifiée et poétique du milieu multi-dimensionnel des cordes de la théorie sur les deux dimensions du papier ou de la toile permet d’évoquer leur mouvement vibratoire, par la connexion des points, créant autant de glyphes pour ce nouveau langage.

Fig.1

Fig.1 : les trois connexions permettant de tracer le glyphe [ka] (être humain)

De la même manière que les particules s’agglomèrent ou interagissent pour créer des molécules, des concepts poussés pourront se former par l’agglutination des glyphes.



Chat code
Huile sur toile
30 x 30 cm
2016





2

Les trois modes du graphieros





2.0
Le graphieros linéaire

Le graphieros est le fruit d’une démarche picturale visant à représenter des portions du monde en intégrant cette métaphore du code de la matière que serait un langage structuré par et pour la grille des dimensions de Planck. Ainsi, le spectateur d’un tableau verraitil un sujet avec lequel il est familier (un visage, un objet, etc.) lorsqu’il le regarderait à bonne distance. Puis, à mesure qu’il s’approcherait de la surface de l’œuvre, il pourrait distinguer peu à peu les hexels (pixels de forme hexagonale). En s’approchant encore, il pourrait percevoir les glyphes inscrits dans les hexels, et, s’il est familier avec la langue, en décrypter le contenu.

De loin, ce code n’est pas visible. De près, on ignore tout de la grande image. Ainsi du scientifique armé d’un microscope.

Les langues que nous manipulons tous depuis l’enfance séparent les mots par des espaces, sans lesquels la pensée ne serait qu’un flux arythmique et indébrouillable. Dans les dimensions de Planck que nous imaginons comme support du graphieros, il n’est pas d’autre espace possible que celui du vide nécessaire qui entoure les particules, et qui permet de délimiter des points. Chaque trou devant accueillir une bille, comment dès lors différencier les mots les uns des autres ?

Puisqu’un mot est une molécule et que celle-ci témoigne d’une agglutination, le choix fut fait de représenter celle-ci par une connexion centrale verticale reliant tous les glyphes d’un même mot.

Fig.2

Fig2. Une barre verticale centrale relie les 3 glyphes qui composent le mot [ka-fy-go] (je,moi), puis un autre suit: [ma] (être).

[ka-fy-go ma] (Je suis)


Le sens d’écriture du graphieros linéaire n’est pas le fruit d’un choix arbitraire. Pour qu’un peintre droitier puisse peindre les hexels et y graver les glyphes à frais dans la peinture à l’huile sans risquer de catastrophe, procéder de haut en bas et de gauche à droite apparut comme la méthode la plus optimale.

Toutefois, au-delà des contraintes imposées par le corps même de l’artiste et le médium qu’il a choisi, le graphieros linéaire peut emprunter tous les chemins autorisés par le pavage hexagonal de la grille.

L’œil pourra en effet suivre l’écoulement des mots grâce à ces connexions centrales qui l’orienteront dans les méandres de la pensée. Ecrire en spirale, ou dans l’aléatoire percolatif de la succession des hexagones, tout cela est rendu possible.

Ce mode d’écriture linéaire autorise aussi des bifurcations, des carrefours, des dédoublements, où la pensée peut se diviser en lignes indépendantes à partir d’un glyphe commun, rendant envisageable l’expression de pensées parallèles.

Fig.3

Fig.3: [ka-fy-go ma kli-pkia] ou [ka-fy-go ma kli-ka]
(Je suis animal; je suis humain).


De cette façon, peuvent être représentées simultanément différentes qualités d’un même objet.

La croissance de la pensée peut donc se développer en arborescence, avec autant de branches issues d’un tronc originel. Avec un peu d’habileté, la division pourrait aussi se résoudre sur une ligne commune, en guise de conclusion.





2.1
Le graphieros fractal



Les sens d’écriture autorisés par le mode linéaire restent dans le périmètre que nous connaissons avec les langues usuelles que nous pratiquons, et qui sont adaptés aux différents supports que nous avons dressés pour écrire (pierre, parchemin, papier…). D’autres dimensions sont accessibles sur les écrans que nous avons maintenant à notre disposition. Le graphieros fractal permettrait ainsi de pouvoir lire la langue dans le sens de la profondeur. Son utilisation sur les supports premiers mentionnés plus haut est possible, mais limitée à leurs dimensions nécessairement fixes.

Les glyphes du mode fractal sont centrés dans un premier glyphe, et disposés en utilisant l’échelle ½ (fig.4). Afin d’en faciliter la lecture, la forme calligraphique avec ses pleins et déliés est plus propice que la simple ligne claire, car elle permet de ne pas noyer les glyphes plus petits sous l’épaisseur des plus gros. Enfin, la variation des contrastes ajoute à la clarté de la composition : les glyphes les plus petits seront les plus sombres, ou les plus clairs, selon la couleur désignée pour le fond.
zx-ws-qe-dd zewxz-qd wsxw-qzed


Fig.4
[ka-fy-go] (je, moi), en mode fractal


Il apparaît donc rapidement qu’un nombre limité de glyphes lisibles puisse être agencé de façon fractale sur un support papier. Aussi, son utilisation sur tous les types de supports fixes se limiterait-elle à des lettrines, ou des calligraphies illustratives. La lecture de textes complets rédigés en mode fractal sur un écran serait rendue possible par un rapprochement contrôlé par le lecteur, qui naviguerait au travers d’un vortexte comme un pilote de vaisseau.





2.2
Le graphieros moléculaire



De multiples combinaisons du mode linéaire et du mode fractal sont possibles. Nous avons retenu celle qui permet à la fois de se débarrasser de la barre de connexion verticale qui sabre les glyphes du mode linéaire, tout en autorisant une lecture sur les supports classiques.

La dimension fractale n’est plus exprimée au centre du premier glyphe, comme c’est le cas pour le graphieros fractal, elle l’est au niveau de chaque sommet, que chacun partage avec un autre sommet d’un glyphe à l’échelle ½.

ne ne ne ne ne ne ne
Fig.5
La structure de base du graphieros moléculaire, permettant la connexion de six glyphes au septième central.



Dans les cas rares où le nombre de glyphes qui composent le mot dépasse sept, le mot se poursuivrait sur un autre module moléculaire, comme il sera présenté dans des exemples plus loin.

Le sens de lecture du graphieros moléculaire est un linéaire sinueux, puisque l’œil passe d’un module à l’autre après en avoir parcouru la circonférence. L'exercice est hypnotique pour l'oeil, et saurait être adapté à des textes poétiques. L’ordre de lecture des glyphes secondaires dépendra du type de glyphe qui est placé au centre du module. Ces règles seront également présentées plus loin.

sro kfa du srei ktu foi ksi
Fig.6
Exemple d'un module moléculaire entièrement rempli. Le glyphe [sro] (zéro) est entouré des glyphes des numéros de 1 à 6.

ka fy go tsi
ka-fy-go-tsi


Fig.7
Exemple de répartition des glyphes lorsque leur nombre est inférieur au maximum. [ka-fy-go-tsi] (nous), avec sa version en graphieros linéaire.


sro kfa
sro kfa du
sro kfa du srei
sro kfa du srei ktu
sro kfa du srei ktu foi
sro kfa du srei ktu foi ksi

Fig.8
Toutes les positions des glyphes en fonction de leur nombre, autour du glyphe central. La nature aussi recherche la symétrie.


Le mode moléculaire, plus aéré que les deux modes linéaire et fractal, peut être utilisé pour l’édition d’un texte court, ou d’un poème. Sa structure sera aussi reprise dans l’écriture des équations de la chimie.

Les trois modes d’écriture linéaire, fractal et moléculaire sont donc chacun adaptés à des utilisations spécifiques : texte de base pour le graphieros linéaire; calligraphie ou sens de lecture en profondeur compatible avec les technologies numériques pour le graphieros fractal ; expression poétique ou scientifique pour le graphieros moléculaire.

Ces trois modes fondamentaux posés, il est lieu d'imaginer des hybridations. Ainsi des modules poétiques dont la description va suivre qui fusionnent les modes linéaire et moléculaire; et du mode fractalinéaire, qui combine comme son nom le suggère, les modes linéaire et fractal. Ce ne sont là que deux des quelques hybridations possibles.






2.3
Modules poétiques



Dans Accords (collection illustrée d'essais et de fantaisies, rédigés selon les techniques des accord et du contrepoint, 2015), j’avais entrepris de jouer avec la linéarité du français écrit, pour tenter de représenter visuellement la simultanéité empruntée parfois par la pensée, que la succession des propositions n’autorise que très artificiellement. Le résultat ressemble à une sorte d’opéra sans musique, qui fonctionne par le recours à une lecture à voix haute, où les diseurs peuvent, en prononçant des mots ou des propositions placés en parallèle, rendre compte de cette simultanéité.

La recherche d’un langage non linéaire est pour beaucoup d’idéolinguistes une forme de quadrature du cercle, à la fois concevable intellectuellement et impossible concrètement. La pensée doit relier des points, suivre un fil, c’est le propre même son intelligence.

Les modules poétiques permettent une lecture à plusieurs niveaux, grâce à la fusion des trois modes du graphieros, et de ponts possibles opérés entre les modules. Le désir de réaliser un langage non linéaire ne se trouve pas à la source de la structuration des modules poétiques, mais dans la mesure où l’œil du lecteur pouvait emprunter plusieurs chemins, il nous apparaissait nécessaire de mentionner cette recherche de la non-linéarité, toujours présente dans le ciel des Idées de l’idéolinguiste, dont l’essence même stimule les tentatives d’éclatement de la structure de la langue, offrant à la place d’une route unique à suivre par le lecteur, une arborescence sur laquelle son œil peut se promener.

Voici pour exemple le module de base, qui peut servir de structure pour exprimer un proverbe, un aphorisme ou un poème:



Fig.9
Le contrat (donner la vie, recevoir l'instinct)


Dans cet exemple, les deux glyphes les plus gros sont reliés par un trait central, dont la fonction de la sinuosité trouvera son expression lorsqu’il s’agira de connecter plusieurs modules, tel qu’il sera présenté plus loin. Nous avons vu que le mode linéaire du graphieros indique par cette liaison centrale qu’un mot est formé par les glyphes qu’elle relie. Ici, [fy.a-rse.a] (donner – recevoir), forme donc un verbe qui pourrait se traduire par « contracter », que nous traduisons en français par « le contrat », le module poétique faisant licence de l’économie du préfixe pour des raisons de simplicité esthétique.

Ces deux gros glyphes sont aussi les premiers d’un mot en mode moléculaire. Ainsi, pour le glyphe [fy.a] en haut : [fy.a-sa-ka] (donner-vivre-humain), traduit par : « Donner vie à l’humain » ; pour le second glyphe [rse.a] en bas : [rse.a-vʒa.i-pki.a] (recevoir-vouloir-animal), traduit par : « Recevoir l’instinct ».

Ces deux mots en mode moléculaire forgent donc un méta-mot par la liaison centrale, où il faudrait condenser « Donner vie à l’humain » en un seul concept, et faire de même pour « recevoir l’instinct », pour ensuite trouver quel méta-mot est exprimé par leur liaison linéaire.

vivre – donner – humain : humaniser
vouloir – recevoir – animal : intuition

Le méta-mot de cet aphorisme serait donc conclu par :
humaniser-intuition


Je laisse au lecteur le soin de trouver un mot qui représenterait la fusion de ces deux concepts.

Le module poétique modèle ainsi le sens sur plusieurs niveaux, offrant au poète des possibilités associatives, référentielles et contradictoires nouvelles. Ces possibilités sont démultipliées par la mise en connexion de plusieurs modules, comme dans l’exemple suivant :



Fig.10
« Un peuple volontaire perd la peur d’être, et s’ouvre vers sa lumière, qui rayonne sur l’apparence »


Au point où se rapprochent les sommets des connexions sinusoïdales, un événement « physique » a lieu, dans l’émergence d’un concept par le frottement des deux modules. La traduction que nous avons offerte de ces modules ainsi reliés est arbitraire ; c’est une des voies possibles où la lecture s’engage. Il est aisé de voir comment peuvent se cumuler deux, trois, dix modules de la sorte, qui viennent s’enclencher en s’emboîtant, à l’instar de certaines molécules biologiques, pour former tout un tissu d’idées.

Les pages 39 et 40 (comprendre 47 et 48 en base 10...) du carnet « graphieros uniquement » (le premier carnet rédigé uniquement et directement en graphieros, sans jamais passer par le français), reproduites sur les pages suivantes, présentent la suite des modules de la figure 9.3, avec les liaisons linéaires verticales qui relient les modules du haut et du bas de la page, offrant un niveau de lecture supplémentaire. On voit comment il est possible d’ajuster ces différents niveaux, jusqu’à fractaliser la structure du texte. Il nous est permis en effet d’imaginer que chacun de ces glyphes, regardés à la loupe, soient flanqués de glyphes plus petits, qui viendraient en préciser l’idée. C’est peut-être là l’occasion de produire un beau manuscrit de poésie, ou de philosophie.

La fragmentation de la linéarité de lecture dégage des plis du drap d’Apollon où vient s’étendre bruyamment Dionysos, qui y déploie son chant d’interprétation, d’erreur, au sens où Nietzsche l’entendait peut-être (Aurore, livre 5).



Page 39 du carnet "graphieros uniquement"



Page 40 du carnet "graphieros uniquement"




3

Nombres





3.0
Système numérique



Cohérent avec l’idée même de l’hexagone, le système duodécimal a été sélectionné pour intégrer le graphieros. La base douze ajoute un symbole pour le chiffre 10, et un autre pour 11, soit respectivement χ et Ɛ (d'autres symboles sont utilisés pour 10 et 11, comme A et B, ou ou α et β, X et Y, T et E. J'ai choisi les symboles utilisés par The Dozenal Society of America). En base douze, 10 correspond donc à 12 de la base 10 ; 20 correspond à 24 de la base 10, etc.

Les glyphes sont formés de telle sorte qu’un chiffre corresponde au nombre de segments qui le composent, à l’exception du zéro, qui exprime la convergence vers une singularité :

0
1
2
3
4
5
[sro] [kfa] [du] [sre.i] [ktu] [fo.i]
6
7
8
9
χ
Ɛ
[ksi] [ste.i] [tsi.o] [nwa] [dza] [zno]
+
-
x
÷
[vdi.o] [mni] [mksi] [dvi]
qd-zx-we
zw-qq-xx-ee-dd-ss
wzd-qq-ss-xx-ee
wzdw-qq-ss-ee-xx
wzexw-qq-ss-dd
wzexw-qd
wqzedxw-ss
dqzedxwq
wqzxdew
zedxwqzsd-sw
zedxwqzsd-sw-zw
zedxwqzsd-sw-wzd
zw-qs-ee-dd-xx
qs-zz-ee-dd-xx-ww
qwxd-ss-zz-ee
we-qq-zz-xx-dd

Dans la mesure où certains numéros utilisent les mêmes glyphes que d’autres mots du corpus, une balise est placée avant un numéro ou un nombre, pour pouvoir clairement les identifier. Cette balise, [nma.e] (nombre), ne se prononce pas quand elle est suivie de numéros, uniquement si elle n’est pas utilisée comme balise.

wzxe-qq-dd
La balise [nma.e]
linéaire fractal moléculaire
nmae-kfa
wzxe-qq-dd zw-qq-ss-ee-dd-xx
nmae kfa


La balise [nma.e] (nombre) et son utilisation dans les trois modes du graphieros , ici avec le nombre 1.





3.1
Notation chimique des éléments


Les éléments du tableau périodique sont baptisés par leur numéro atomique. Lorsqu’ils sont utilisés dans le langage courant, ils sont considérés comme des objets, donc précédés par le préfixe [pta.e].

Dans le cadre de la notation scientifique, ils perdent le préfixe, ne laissant que leur numéro, et s’il s’agit de représenter une molécule, les liaisons seront indiquées par des connecteurs entre les glyphes (le tableau périodique complet figure en annexe).

ptae-tmei-nmae-kfa

"Hydrogène"
en graphieros linéaire, en notation commune.
[pta.e-tme.i-nmae-kfa]
(objet-atome-numéro-un).



kfa

"Hydrogène"
en notation scientifique, où l'on ne conserve que le numéro. Toutefois, on continuerait à le prononcer comme dans la notation commune.



ptae-tmei-knoi-nmae-kfa

"Dihydrogène"
en graphieros linéaire, en notation commune.
[pta.e-tme.i-kno.i-nma.e-kfa]
(objet-atome-connecter-numéro-un)





"Dihydrogène"
ou 1-1 en notation scientifique, avec sa liaison covalente. Les deux glyphes [kfa] sont notés en miroir, pour une finalité esthétique.





"Dioxygène"
ou 8-8 en notation scientifique, avec sa double liaison.





"Diazote"
ou 7-7 en notation scientifique, avec sa triple liaison.


Dans le cadre de la notation scientifique, les éléments nommés par des nombres supérieurs à 9 sont notés en mode fractal.

zw-qq-ee-dd-xx-ss qzedxwq-ss

Argon
, ou 16 en notation scientifique (ou 18 en décimal)





"Entendre"
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2020, confinement




4

Fonctionnement du graphieros

Le graphieros est une idéolangue (selon la terminologie acceptée sur le forum francophone L’Atelier), basée sur un corpus d’environ 450 idéogrammes et pictogrammes (environ 28% du corpus) appelés « graphénoglyphes ». Ces glyphes génétiques (listés dans l’annexe), qui sont des mots en eux-mêmes, constituent les éléments permettant de produire d’autres mots par agglutination.

Par défaut, la plupart de ces glyphes génétiques sont des verbes, auxquels viennent s’ajouter des préfixes qui les changent en substantifs. Quelques exceptions offrent à la langue un caractère moins systématique, plus « culturel ».





4.0
Préfixes généraux



Au nombre de douze, les préfixes généraux démultiplient les mots possibles issus d’une action. Nous tenterons d’en éclairer la formation graphique, ou tout du moins d’apporter quelques éléments d’explication à un processus sélectif dans lequel l’arbitraire et le goût de l’artiste ont eu une place nécessaire. Il n'est évidemment pas impossible d'imaginer la création de nouveaux préfixes, si l'usage du graphieros en nécessitait les bénéfices.

être humain
zx-ws-qe-dd
[ka]

Le glyphe [ka] (humain) est l’un des rares pictogrammes permis par la structure simple des sept points de la grille. Ce glyphe est un dessin représentant un humain. Il ne s’agit pas d’un verbe. Il sert de base pour détailler les genres, comme il sera vu plus loin. Placé devant un verbe, il désigne la personne qui produit l’action ; ainsi par exemple, « donner » devient « donneur », ou « prendre » devient « preneur ».

Le glyphe [ka] est au cœur de la construction de nombreux glyphes :





déterminer
zx-qe-wd
[me.a]

Placé devant un verbe, le glyphe [me.a] change celui-ci en nom. « Agir » devient « action », « mériter » devient « mérite », « aimer » devient « amour ». C’est le tout premier préfixe qui fut créé quand apparut la nécessité d’avoir recours à ce système. Là où le verbe est mouvement, figuré par les deux segments parallèles, la détermination vient le fixer, reliant les deux segments par un troisième qui les coupe.


sujet
qexwze-zx-ws
[pka.e]

Construit à partir de [ka] (être humain), le glyphe [pka.e] (sujet) indique la personne ou la chose qui subit une action. Il est plus fréquemment utilisé pour transcrire ce que le français résout par le participe passé, comme il sera présenté dans la section grammaticale de cet ouvrage. L’humain est inscrit dans un cadre, évoquant l’idée du sujet en art. Notons que l’humain sort du cadre : peut-on en effet tout embrasser d’un sujet ?


objet
wsxwzex-qq-dd
[pta.e]

Ce préfixe permet de distinguer du substantif la possibilité de l’action de. Par exemple, on utilisera le préfixe [me.a] pour changer le verbe « accéder » en « accession », mais [pta.e] pour le changer en « accès » ; ou encore [me.a] pour changer « cadrer » en « cadrage », et [pta.e] pour le changer en « cadre ». S’il est placé seul devant un verbe, ce préfixe ne désigne jamais des objets manufacturés, ou techniques, ou technologiques. Pour ce faire, il faudra lui faire suivre un deuxième glyphe.

objet technique
ptae-fkai
[pta.e - fka.i]

Pour désigner de tels objets, le glyphe [fka.i] (fonctionner) est ajouté à [pta.e] (objet). Dès lors qu’une valeur est ajoutée par l’humain à une ressource naturelle, comme la transformation d’une branche en bâton par exemple, il conviendra d’utiliser ce double préfixe.


lieu
zwxezqde
[ki.o]

Le glyphe [ki.o] (habiter), permet de désigner un lieu lorsqu’il est placé en préfixe. Utilisé seul en préfixe, il ne désigne jamais un lieu qui serait le produit d’une transformation humaine. Ainsi, la Terre ou la Lune sont-ils des lieux préfixés par [ki.o], mais pas un pont, ni une maison. Un lac naturel, mais pas un étang artificiel.

Pour désigner des lieux transformés par l’humain, témoignant notamment d’une propriété, comme une maison, une boulangerie ou une usine, il est donc nécessaire d’ajouter le second préfixe [fka.i] (fonctionner), comme il est fait pour les objets fonctionnels.

établissement
kio-fkai
[ki.o - fka.i]

L’ajout du glyphe [fka.i] (fonctionner) aux préfixes [pta.e] et [ki.o] permet d’établir une nette distinction entre nature et culture.


déterminer être étant
[me.a] [ma] [me.ama]
zx-qe-wd
zqw-edx-ss
qzxdeqwd


Le résultat graphique de la fusion du préfixe [me.a] (déterminer) et du verbe [ma] (être), est le préfixe [me.a – ma], indiquant le gérondif. « Imaginer » devient « imaginant ».


avec
wzxew-qd
[vi]

Placé devant un verbe, un nom ou un adjectif, le préfixe [vi] (avec) change celui-ci en adverbe. « Obstiner » devient « obstinément », « particularité » devient « particulièrement ».


être
animal
être
végétal
être
minéral
[pki.a] [pi.o] [mina]
qezqwxse-dd
zwd-ew-qx
wzsexdezqwx


Les glyphes [pki.a] (animal), [pi.o] (végétal) et [mina] (minéral), sont utilisés comme préfixes pour dérouler les taxinomies de la nature. Elles peuvent aussi être utilisées pour confectionner des concepts liés à l'humain. Imaginez ce que "être minéral-humain" [mina - ka] pourrait signifier, ou encore "être végétal-humain" [pi.o - ka]; ou encore pour évoquer chez l'humain précisément sa partie animale, instinctive, primale, avec "être animal-humain" [pki.a - ka].


ce, cette, cela
ze-wx-qq-ss-dd
[de]

Le glyphe [de] (ce, cette, cela), peut être utilisé en préfixe, ou en suffixe, pour rattacher un substantif ou un verbe à un sujet précité (comme dans la phrase : « Je les ai déposées », où l’on écrirait en graphieros « je avoir sujet-de déposition-ces »). Il peut être utilisé parfois comme déterminant, à la guise de l’écrivain.







4.1
Préfixes temporels



Les temps disponibles en graphieros sont d’un usage relativement simple, si on le compare aux langues européennes. Par défaut, tout verbe est exprimé au présent de l’indicatif ; il n’est donc nul besoin d’un marqueur spécifique. Des préfixes ont été créés pour indiquer les temps du passé [pso.i] et futur [ftu] ainsi que les modes : conditionnel, subjonctif et impératif. Des exemples serviront d’illustrations au chapitre les concernant dans la section grammaticale de l’ouvrage.


être
passé
être
futur
[pso.i] [ftu]
dq-eqx-ww-zz
qd-zdw-ee-xx


être
conditionnel
être
subjonctif
être
impératif
[hi] [fi] [fo]
zdw-xqe-ss
wqe-xz-dq
xezdwz-qq-ss



Tous les préfixes temporels peuvent être utilisés indépendemment comme des verbes, ou faire partie d'un agglomérat pour former un autre verbe ou un substantif qui nécessiterait dans son corps une instance temporelle spécifique.





4.2
Suffixes



Des modulations peuvent également être apportées à la fin des mots, à travers l’utilisation de suffixes.


être
pluriel
zsd-ws-qq-xx-ee
[tsi]

Ajouté à la fin d’un mot, le glyphe [tsi] indique le pluriel. Son utilisation sera précisée dans la section grammaticale de l’ouvrage.

-isme
zz-ee-xqdwsxw
[smi.a]

Ce glyphe revêt la même fonction que le suffixe « -isme », quand le mot commence par [me.a], et « -iste » quand le mot commence par [ka]. Il permet donc de changer un nom en système, ou en utilisateur/promoteur de celui-ci. Il peut aussi désigner un système, quand il est utilisé normalement, comme [pta.e - smi.a] par exemple.

Toute une série de glyphes suffixes existent pour désigner le possessif. Cette série est abordée dans la section grammaticale de l’ouvrage.

Le graphieros est donc structuré en modules agglutinés, constitués d’un cœur sémantique d’un ou plusieurs glyphes, pouvant être précédés de préfixes pour en modifier la nature nominale, préciser le temps ou le mode ; et de suffixes. La langue est essentiellement analytique, puisque les mots composés montrent avec transparence leur étymologie. Certains concepts ou objets pourront donc conduire à des mots longs. Dans le cas où des mots longs devaient être utilisés régulièrement, des glyphes de base spécifiques ont été créés.






4.3
Genres



Les glyphes indiquant les genres sont tous dérivés du glyphe [ka] (humain), et peuvent être utilisés à sa place. [ka] est utilisé par défaut pour désigner la personne qui agit, d’une façon neutre et générale. Seuls les humains et être vivants sont donc susceptibles d’être genrés. Il est possible d'utiliser ce glyphe en préfixe pour se désigner soi-même, les autres, au singulier ou au pluriel, si l'on souhaite éviter toute connotation de genre dans la désignation.

être
humain
zx-ws-qe-dd
[ka]

Pour préciser le genre en préfixe, on utilisera à la place de [ka] l'un des quatre glyphes suivants:


être
femelle
femme
être
mâle
homme
être
hermaphrodite
être
transgenre
[mna] [mno] [fro] [mne]
zsdxws-qe-dd
zx-wsd-qe
zxdswx-qe
zsdxws-qe-wd


Bien sûr, il n’est pas exclu d’imaginer que des objets puissent être genrés, même si ce n’est pas notre choix pour le moment.






4.4
Ponctuation



Le graphieros dispose d’une ponctuation sommaire : virgule, point, point d’exclamation, point d’interrogation, qui ne sont pas prononcés, sauf s'ils sont désignés comme des objets, prenant donc en préfixe [pta.e] le cas échéant.


virgule point exclamation interrogation
[dy.o] [do] [do.ha] [do.ho]
zz-qq-ww-esx-dd
ss
qw-zs-ed-xx
zeqx-ww-ss-dd


Les points d’exclamation et d’interrogation sont placés en fin de phrase.





Manifeste
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2017






5

Phonologie




Dans la mesure où le graphieros est une langue très descriptive par nature, pouvant conduire à l’expansion dont nous avons parlé précédemment, le système phonologique a été imaginé pour limiter le nombre de syllabes prononcées par le locuteur.

Voici la liste des consonnes et voyelles utilisées par le graphieros, en Alphabet Phonétique International:

Consonnes
Voyelles
[b], [ʃ], [k], [d], [f], [g], [h], [ʒ], [l], [m], [n], [p], [r], [s], [t], [v], [w], [z]
[a], [e], [i], [o], [y], [u]


L’ensemble des agglutinations possibles des glyphes génétiques devant être facilement prononçable, la phonologie a été structurée de la façon suivante :

consonne - voyelle
[ma]
consonne-consonne-voyelle
[kto]
consonne-voyelle-voyelle
[me.a]
consonne-consonne-voyelle-voyelle
[pta.e]


Tous les glyphes commençant par une ou plusieurs consonnes et se terminant par une ou plusieurs voyelles, la succession harmonieuse de toutes les combinaisons de glyphes possibles est donc assurée. En annexe, la liste des glyphes de base indiquera les phonologies API associées.

Il existe bien entendu quelques exceptions, où l'on trouvera une consonne en finale, mais ces cas sont rares, et très probablement impropres à générer de la confusion.

Les sons sélectionnés pour les glyphes sont de plusieurs ordres:
Similaires au français:
être bras
[bra]
Similaires à l'anglais:
être ciel
[ska.i]
Similaires à l'italien:
attendre
[spe.a]
Similaires à l'espagnol:
être étoile
[ste.a]
Référentiels:
être conflit
[tro.i]
Idéologiques:
être déchêt
[tri.e]
zwdsz-qx-ee
wezx-qq-dd
qzw-sex-dd
wzdw-xeqx-ss
qwe-dxz
zeq-ws-xd


Dans le cas où deux glyphes identiques se suivent, on ne prononcera pas les consonnes du second glyphe.






6

Noms propres





6.0
Préfixe nom propre



Les locuteurs du graphieros sont invités à se rebaptiser dans cette idéolangue, en mettant en avant les qualités qui leur sont propres. Ainsi votre serviteur s’est-il auto-rebaptisé du nom de « l’artiste », traduit en graphieros par [nmo-ka-ta.e].

être
nom propre
qzedxwq-we-xs-dz
[nmo]

nmo-ka-tae
xwqzedxs-we-dz zx-ws-qe-dd zeq-xwd-ss
nmo ka tae


[nmo - ka -tae]
"L'artiste"
écrit dans les trois modes


Le préfixe [nmo], dérivé du glyphe [ka] (humain) dont il est une sorte de miroir, permet d’indiquer un nom propre. On ne pourra pas l’utiliser pour transcrire directement un nom propre existant dans une autre langue, sauf si celui-ci est issu d’un nom commun qui trouve sa traduction en graphieros, comme par exemple « Forestier » ou « Mouton ».

Afin d’autoriser une certaine souplesse et pénétration des autres langues dans le graphieros, un syllabaire a été créé pour reproduire les sonorités de ces langues au plus près, avec le matériel phonologique fondamental du graphieros.






6.1
Syllabaire



Une langue serait totalement hermétique si elle n’offrait pas de transcrire phonétiquement les autres langues. Elle serait probablement mort-née sans cette indispensable connexion, qui permet d’exprimer l’onomastique, depuis les prénoms jusqu’aux territoires, en passant par les marques.

Le syllabaire du graphieros est construit d’après sa phonologie, et devrait permettre, sinon une transcription exacte des sons des autres langues, du moins quelque forme approchante. Les glyphes du syllabaire sont le produit d’une fusion de glyphes représentant les sons autorisés dans le graphieros, qui sont très proches de l’alphabet occidental.

Voici un aperçu du syllabaire, avec tous les sons possibles avec la consonne [k] (le tableau complet peut être consulté dans les annexes) :

[a] [e] [i] [o] [y] [u]
[k] [ka] [ke] [ki] [ko] [ky] [ku]
wex-qd-zz
zqw-sq-ee-dd-xx
ex-zz-ss-ww-qq-dd
xsedx-ww-qq-zz
sxd-ww-qq-zz-ee
sxds-ww-qq-zz-ee
zw-xqe-dd-ss
zwexqe-dq
zw-dseqxs
zw-qexq-ss-dd
esxdeqx-zw
zw-eqx-sxd
zw-eqxsdx


De la même façon qu’il a été nécessaire de prévenir le lecteur qu’il allait lire un nombre en le faisant précéder de la balise [zba], il est nécessaire d’introduire une nouvelle balise pour indiquer qu’un module syllabique est utilisé. Cette balise n’est jamais prononcée.

être syllabe
eqdw-zz-xx
[zba]



Parler
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7

Grammaire du graphieros





7.0
Syntaxe



Le graphieros utilise une syntaxe de type Sujet-Verbe-Objet. Voici une illustration en graphieros linéaire de cet ordre :

sujet
verbe
objet
ka-fy-go
sta
mea-skai


"Je vois le ciel"
[ka-fy-go sta me.a-ska.i]







7.1
Participe passé



Le graphieros ne dispose pas de participe passé. Celui-ci est en effet remplacé par l’explicitation de l’assujettissement qu’il implique : au lieu de dire : « je suis allé », on dira : «je suis sujet de allage » ; au lieu de dire « je suis pris », on dira : « je suis sujet de prise ». Le module « sujet-de » sera donc toujours suivi d’un nom préfixé par [me.a], sans exception.

humain-refléter-avoir
passé-être
sujet-de
déterminer-aller
ka-fy-go
psoi-ma
pkae-da
mea-le


"Je suis allé"
[ka-fy-go pso.i-ma pka.e-da me.a-le]


Le module [pka.e-da] ainsi que le substantif qui le suit sont invariables.Mais est-il nécessaire de mentionner que la poésie peut s'accorder de telles licences ?






7.2
Pluriel



Les verbes et les objets sont accordés systématiquement. Le pluriel est indiqué par l’ajout du suffixe [tsi]:

être pluriel
zsd-ws-qq-xx-ee
[tsi]


Voici deux exemples d'utilisation du pluriel:

Nous
(humain - refléter - avoir - pluriel)
allons
(aller-pluriel)
ka-fy-go-tsi
le-tsi


"Nous allons"
[ka-fy-go-tsi le-tsi]




Ces
(ce - pluriel)
animaux
(animal - pluriel)
de-tsi
pkia-tsi


"Ces animaux"
[de-tsi pki.a-tsi]







7.3
Négation



Le glyphe [ni.a] est utilisé pour indiquer la négation. Il est placé en général avant le verbe. Il peut aussi servir dans la formation des mots pour évoquer l'inverse d'un concept. Par exemple, "sans" se dira "non-avec". Cette propriété se retrouve d'ailleurs en français, dans des mots composés comme "non-voyant" par exemple.

non
zx-we-qq-dd
[ni.a]


Je
n'ai pas
(non avoir)
ka-fy-go
nia go


Le graphieros n’utilise pas de double négation, comme c’est le cas en français.






7.4
Pronoms personnels



[ka-fy-go] [ka-fya-fy] [ka-mno]
[ka-mna]
[ka-fro]
[ka-mne]
[ka-tra] je, moi tu, toi il, elle on humain
refléter
avoir
humain
donner
refléter
humain
genre
humain
extérieur
ka-fy-go
ka-fya-fy
ka-mno
ka-mna
ka-fro
ka-mne
ka-tra


Il suffit d’ajouter le glyphe pluriel [tsi] pour obtenir les pronoms personnels du pluriel. A part pour « il » et « elle », tous les glyphes [ka] peuvent être remplacés par un glyphe de genre, par exemple [mno-fy-go], [mna-fya-fy], et [fro-tra].






7.5
Pronoms possessifs



Le premier système exposé dans la première édition exigeait d'agglomérer trois glyphes pour exprimer la possession. Des traces de ce premier système sont visibles sur mes tableaux de l'époque, et son explication peut se trouver dans la version papier ou PDF de la Clé.

Le système a été simplifié dans la deuxième édition, par l'utilisation d'un seul suffixe ajouté au substantif, auquel pourra s'adjoindre le glyphe pluriel, le cas échéant.


[soma] [sota] [sola] mon ton son
zqwxsedx-sd
zqwxseds
zqwxsed







7.6
Conjonctions de coordination



Les conjonctions de coordination peuvent s'utiliser seules pour coordonner deux propositions. Elles peuvent aussi entrer dans la composition d'un mot qui nécessiterait leur concept.

[pro] [ro.i] [te] [dku] [vro.i] [na] [gzo] mais ou et donc or ni car
zsw-qs-ex-dd
zxwez-qq-dd
zqw-sq-edx
ezwx-ds-qq
zsw-qs-xedx
zxd-we-qs
zdwx-qq-ss-ee







7.7
Conjugaison



Comme il a été vu dans la section « préfixes » de l’ouvrage, l’expression du passé, du futur, du conditionnel, de l’impératif et du subjonctif est liée à l’utilisation des préfixes temporels afférents, qui précèdent toujours le verbe.

Par défaut, tous les verbes sont conjugués au présent, pour lequel il n’est donc pas de préfixe.

7.7.0
Le passé
L'ajout du préfixe [pso.i] avant le verbe conjuguait celui-ci au passé.

ka-fy-go psoi-ma


"J'étais" ou "je fus"
[ka-fy-go pso.i-ma]


7.7.1
Le futur
De la même manière, l'ajout du préfixe [ftu] avant le verbe conjuguera celui-ci au futur.

mna-fya-fy ftu-ra


"Tu prendras"
[mna-fy.a-fy ftu-ra]


7.7.2
Le conditionnel
L'ajout du préfixe [hi] avant le verbe conjuguerait celui-ci au conditionnel.

ka-tra-tsi hi-lfaw-tsi


"Ils riraient"
[ka-tra-tsi hi-lfaw-tsi]


7.7.3
Le subjonctif
Le mode subjonctif est composé de trois temps : passé, présent, futur. Le subjonctif obéit aux mêmes règles de concordance des temps et d'usage qu'en français, à part pour le conditionnel, qui, s'il est placé en proposition principale, engendre l'usage du subjonctif futur dans la proposition subordonnée. En français, le subjonctif futur n'existe pas, aussi en ai-je proposé une traduction dans l'exemple ci-dessous.

Le subjonctif est composé du préfixe [fi] placé avant l'indication temporelle, et avant le verbe. Comme toujours, le présent se dispense d'indication temporelle, puisqu'il est présent par défaut.

"que je prisse"
(passé)
"que je prenne"
(présent)
"que je prendrasse"
(futur)
[kwa ka-fy-go
fi-pso.i-ra]
[kwa ka-fy-go
fi-ra]
[kwa ka-fy-go
fi-ftu-ra]
kwa ka-fy-go fi-psoi-ra
kwa ka-fy-go fi-ra
kwa ka-fy-go fi-ftu-ra


7.7.4
L'impératif
L'impératif est obtenu en ajoutant le préfixe [fo] devant le verbe. Il s'accorde au pluriel.

"fais cela" "faites cela" [fo-fa de] [fo-fa-tsi de]
fo-fa de
fo-fa-tsi de


7.7.5
Concordance des temps
Avec le passé en proposition principale, on placera le passé en subordonnée. Ainsi du présent.

Toutefois, avec le futur ou le conditionnel en principale, la subordonnée se conjuguera au futur. Voici quelques exemples, avec une transcription en français du subjonctif futur:


"Il fallait que j'allasse" "Il faut que j'aille" "Il faudrait que j'irasse" "Il faudra que j'irasse" [pso.i-dvi-fa kwa ka-fy-go fi-pso.i-le] [dvo-fa kwa ka-fy-go fi-le] [hi-dvo-fa kwa ka-fy-go fi-ftu-le] [ftu-dvo-fa kwa ka-fy-go fi-ftu-le]
psoi-dvo-fa kwa ka-fy-go fi-psoi-le
dvo-fa kwa ka-fy-go fi-le
hi-dvo-fa kwa ka-fy-go fi-ftu-le
ftu-dvo-fa kwa ka-fy-go fi-ftu-le






8

Glyphogenèse et création des mots en graphieros





8.0
Glyphogenèse



Le lexique du graphieros contient des glyphes de deux types: les pictogrammes, sortes de petits dessins qui représentent un objet; et les idéogrammes, des symboles qui représentent un concept.

Avec une structure de sept points équilatéralement répartis, un nombre réduit de pictogrammes sont possibles. Voici quelques exemples de glyphes créés dans une optique de reproduction de l'apparence des objets ou des idées désignés:


brancher
exwxz-qs-dd
[dve.a]
"Brancher", comme les branches d'un arbre



être courrier
qseqwde-zz-xx
[kry.e]
"(être)courrier", comme une enveloppe



détruire
qw-xe-dzsd
[dzy.e]
"détruire", comme une hâche s'abattant sur une bûche



fleurir
zqx-edw-ss
[ble.a]
"fleurir", comme une rose avec pétales, sépales et pistil.



La glyphogenèse des idéogrammes est basée sur les prédicats symboliques suivants:



Voici quelques exemples de glyphogenèse:







Voici un dernier exemple de généalogie, à partir du glyphe [lpa.e] « lèvre » ici au centre, duquel dérivent les six glyphes désignant les différents goûts perçus généralement par la bouche humaine :









8.1
La formation des mots



Le lexique du graphieros comporte à ce jour environ 450 glyphes génétiques, qui doivent autoriser le modelage, par agglutination, d’une grande partie des mots dont un locuteur aurait à se servir, dans tous les contextes. Le graphieros est ainsi une idéolangue à caractère étymologique, puisque la formation de ces mots par agglutination offre lisiblement la trace du cheminement logique ayant conduit au choix des glyphes qu’ils contiennent.

Le graphieros est aussi une idéolangue philosophique, où chaque mot agglutiné est sa définition. Un nouveau locuteur devrait pouvoir créer son propre lexique de mots agglutinés, à partir du lexique des glyphes génétiques présenté à la fin de cet ouvrage. Si ces mots sont construits d’une façon logique, un autre locuteur devrait être en mesure de les décrypter. En l’absence d’expérience, tel est tout du moins le vœu que nous formulons, et c’est pour cette raison que le projet de créer un dictionnaire complet avec tous les mots du monde nous est apparu comme une entreprise vaine. Par le décryptage lent et patient qu’elle propose à ses locuteurs, le graphieros doit leur rendre le monde des autres plus accessible dans la profondeur. Nous offrons ici au lecteur quelques exemples de formation de mots par agglutination, avec parfois des alternatives synonymiques.


zx-qe-wd sqzdwq-ee-xx qw-zs-ed-xx



Voici une phrase simple: "J'aime la forêt."

ka-fy-go sa-kme kio-kwe-pio .
[ka-fy-go sa-kme ki.o-kwe-pi.o]

Voyons comment sont formés chacun des mots de cette phrase:

[ka] humain
[fy]refléter
[go]avoir
ka-fy-go


L’agglutination de ces trois glyphes désigne le « je », le « moi ». Le préfixe « humain », neutre, dont nous avons vu qu’il peut être genré, indique que le mot se réfère à un être humain. Le « je » est donc l’être humain qui « a un reflet », comme Narcisse s’apercevant du sien près de la source où il étanchait sa soif. Ce mot prend son origine dans les débuts du graphieros. Bien qu’il existe des façons plus simples de le formuler, nous l’avons conservé comme un marqueur archéologique.

Prenons maintenant le verbe de la phrase:

[sa] vivre
[kme]pour
sa-kme


Le verbe aimer est compris comme étant ce qui fait que l’on « vit pour » quelqu’un ou quelque chose.

Enfin, le dernier mot de la phrase:

[ki.o] lieu
[kwe]peupler
[pi.o]être végétal
kio-kwe-pio


Une forêt étant un lieu, il est nécessaire d’utiliser le préfixe de lieu. La forêt est définie comme « peuple végétal ». Mais comment le distinguer d’un parc, qui est aussi un « peuple végétal » ? Un parc étant une création humaine, il conviendra alors d’ajouter un second préfixe de fonction [fka.i] après le préfixe [ki.o], tel que nous l’avons vu dans le chapitre traitant des préfixes.

Le graphieros a cela de souple qu'il permet de construire un même concept à partir de briques différentes. Ainsi le concept de forêt pourrait-il se dire:

[ki.o] lieu
[tew]être tout
[pi.o]être végétal
kio-tew-pio


Ici, la forêt se définit comme le "lieu tout végétal". Dans les deux cas, c'est la notion d'ensemble, de groupe, qui siège au centre du mot, avec la nuance que "peupler" connote aux individus vivants, raison pour laquelle il remporta ma préférence dans la formation de cet exemple.



Annexes






A.0
Le tableau périodique des éléments



Cliquez sur l'image pour l'ouvrir dans une nouvelle fenêtre. Revenir au chapitre traitant de la notation chimique.








A.1
Le cercle chromatique
(première édition)



Utilisés sans préfixe, les couleurs sont des verbes. Il convient donc de leur ajouter les préfixes adéquats pour indiquer une qualité.

Les couleurs intermédiaires sont obtenues par mélange. Ainsi, pour la couleur indigo, on dirait [blu-vle], ou [vle-blu], selon que l’on ressent la couleur tirant plutôt vers le bleu ou le rouge. La couleur turquoise se dirait [vra.e-blu], ou [blu.vra.e], etc.

Les mélanges les plus complexes peuvent ainsi être écrits et dits d’une façon simple, avec des applications non négligeables pour le peintre.

Le blanc est indiqué par le glyphe [tew] (tout), le noir par le glyphe [ne] (rien). Notons que le mot « couleur » se dit [me.a-stagna.e](déterminer-voir-onde), auquel on ajoutera en finale les glyphes [tew] ou [ne] pour indiquer le noir ou le blanc. Ce n’est pas nécessaire pour les autres couleurs, dont les glyphes n’ont pas d’autre fonction.

A.2
Le cercle chromatique
(deuxième édition)

Dans la mesure où les glyphes utilisés pour les couleurs le seraient aussi pour désigner d’autres concepts, il convient d’utiliser une balise spécifique pour les distinguer :

être couleur
dqezwxq
[klo]

Le glyphe [klo] n’est pas prononcé quand il est balise couleur, uniquement lorsqu’il est utilisé comme verbe « être couleur ».

Les trois couleurs primaires et les trois couleurs secondaires forment la base du cercle chromatique hexagonal. Les couleurs tertiaires (mélange d’une couleur primaire et d’une secondaire) forment un second hexagone autour du premier. Le mode fractal est utilisé pour représenter ces couleurs tertiaires.

Pour indiquer si une couleur est plutôt claire ou foncée, on suffixera les glyphes [he.a] (être lumière) et [bro.i] (ombrer).

Des suffixes référentiels peuvent aussi être ajoutés, comme « le ciel », « la terre », « végétal », pour indiquer une nuance de couleur spécifique.